đ«đ· Milan Design Week 2025 : Highlights et perspectives pour les marques
- Set Design Team

- Apr 20
- 7 min read
Updated: Apr 21
Par Sara Ayoub, Kenza Bensaid & Hiba Hilali
âĂa te dit de nous accompagner Ă Milan pour la Design Week ?â
Nous Ă©tions Ă La Taverne, une terrasse discrĂšte nichĂ©e dans GuĂ©liz. Câest autour d'une verveine que nous avons dĂ©cidĂ© dây aller Ă trois. En un clin d'Ćil, nos billets Ă©taient pris. Nous avons investi Milan avec une vraie Ă©nergie de groupe â un peu Ă©lectriques, beaucoup enthousiastes, et prĂȘtes Ă tout voir (et tout rater aussi).
Milan, aux cĂŽtĂ©s de Turin et de GĂȘnes, fait partie du triangle industriel ayant propulsĂ© le miracle Ă©conomique italien des annĂ©es 1950-60. Ce qui distingue Milan, câest sa capacitĂ© Ă lier Ă©troitement lâindustrialisation Ă lâart, lâarchitecture et le design, grĂące au secteur privĂ©. AprĂšs la Seconde Guerre mondiale, lâindustrie italienne adopte un modĂšle unique, oĂč de petits entrepreneurs privilĂ©gient lâexpĂ©rimentation crĂ©ative. Câest dans ce contexte que naissent de grands designers comme Sergio Asti, Cini Boeri et Joe Colombo.
En 1961, un groupe de fabricants de meubles fonde le Salone del Mobile Ă Milan, initialement dĂ©diĂ© au mobilier domestique. Cet Ă©vĂ©nement, dĂ©sormais mondialement reconnu, sâest Ă©largi pour inclure luminaires, cuisine et mobilier de bureau, et a donnĂ© naissance Ă des salons Off dans tout le centre de Milan, transformant la ville en un vĂ©ritable centre du design.
Ce voyage Ă©tait l'occasion de tracer les contours de la matrice esthĂ©tique contemporaine et de comprendre comment le design façonne l'univers des marques. Quand nous avons demandĂ© Ă nos deux amis Jo et Ale â grands habituĂ©s du circuit â âOn prend nos billets pour le Salone ?â, ils ont rigolĂ© : âMais non, surtout pas ! Le OFF, câest dĂ©jĂ bien! Et en vrai, vous avez de quoi vous occuper.â Alors on a laissĂ© tomber le Salone del Mobile, et on sâest lancĂ©es dans le OFF : ce joyeux terrain dâexploration, brut, libre, et plus expĂ©rimental.
La Design Week, câest une routine bien chaotique : beaucoup marcher, beaucoup voir, beaucoup rater (et lâaccepter). Bien manger. Rencontrer des inconnu·es et mĂȘme des designer bien connus. Dormir, bien peu. Et au milieu de tout ce tumulte, certains fils rouges ont commencĂ© Ă apparaĂźtre.
Des expériences ultra-immersives
Pendant la Milan Design Week, la ville devient un laboratoire vivant oĂč le design se vit plus quâil ne sâobserve. Les installations immersives se multiplient, transformant le mobilier en langage et lâespace en rĂ©cit sensoriel. Sons, textures et scĂ©nographies engagent le visiteur dans une expĂ©rience Ă©motionnelle et accessible.
La force du salon rĂ©side dans ce dialogue constant entre lâobjet et son environnement, oĂč les frontiĂšres entre art, architecture, mode et design sâeffacent. Le design ne se contente plus de meubler : il construit des univers et affirme Milan comme capitale de la crĂ©ation scĂ©narisĂ©e.
Dans des lieux comme Alcova ou Spazio Maiocchi, ou Ă travers les Ćuvres dâObjects of Common Interest, Studiopepe ou Laila Gohar, Ă©mergent des crĂ©ations hybrides : mobiliers monumentaux, sculptures habitables, installations rituelles. Le design devient infrastructure sensible et rĂ©cit matĂ©riel.
Ce que cela signifie pour les marques : Pour se dĂ©marquer dans un marchĂ© saturĂ©, les marques doivent intĂ©grer les expĂ©riences immersives afin dâattirer des consommateurs en quĂȘte de sensations. Les techniques narratives et les expĂ©riences multi-sensorielles ont transformĂ© la maniĂšre dont nous interagissons avec le design, rendant l'art accessible et vivant. Ces environnements ne servent pas seulement de toile de fond esthĂ©tique, mais deviennent des plateformes dâexpĂ©rience qui provoquent des Ă©motions et renforcent la connexion entre l'Ćuvre et le spectateur.  L'immersion devient ainsi un moyen puissant d'atteindre et de retenir l'attention des consommateurs, particuliĂšrement quand celle-ci mise sur la croisĂ©e de deux univers trĂšs diffĂ©rents.
Lâalliance entre la mode et le design
Lors de la Design Week, plusieurs grandes maisons â Prada, Gucci, HermĂšs, Loewe, Dior, Miu Miu, Louis Vuitton â ont marquĂ© les esprits avec des Ă©vĂ©nements ouverts au public, mĂȘlant mode et design. Installations immersives, expositions conceptuelles et collaborations inattendues ont montrĂ© comment ces marques investissent le design avec une aisance remarquable.
Gucci a par exemple dĂ©voilĂ© Bamboo Encounters, une initiative qui illustre comment le design peut transcender les frontiĂšres traditionnelles. Prada, avec sa plateforme Frames, a Ă©galement encouragĂ© des discussions sur les infrastructures globales, invitant les crĂ©ateurs Ă repenser notre rapport Ă l'espace urbain et Ă notre environnement.Â
Il faut dire que mode et design partagent un mĂȘme ADN : la crĂ©ation, lâesthĂ©tique et le rapport Ă lâobjet et Ă lâespace. Le design devient ainsi un terrain dâexpression libre pour ces maisons, une maniĂšre de raconter autrement leur histoire. DerriĂšre les scĂ©nographies spectaculaires de cette Milan Design Week, on retrouve des set designers habituĂ©s aux dĂ©filĂ©s (Willo Perron, Niklas Bildstein Zaar, Charlotte Macaux Perelman and Alexis Fabry, Studio INI, Dimore Studio,..). Les univers se croisent, les disciplines sâhybrident, les frontiĂšres sâeffacent.Â

Ce que cela signifie pour les marques : Le croisement des mondes améliore la visibilité et l'attractivité des marques en créant des expériences qui attirent des segments diversifiés de consommateurs. En fusionnant le design avec la mode, les marques peuvent saisir des opportunités pour innover et élargir leur portée auprÚs de cibles inexplorées, et ce, tout en séduisant une clientÚle à la recherche de produits qui évoquent le luxe.
Design post-récession: Entre artisanal et digital
La Milan Design Week a Ă©tĂ© marquĂ©e par un souffle dâexpĂ©rimentation autour de la matĂ©rialitĂ©. Des nouvelles façons de concevoir, de produire et de penser le design Ă©mergent, notamment Ă Alcova oĂč lâexposition Woven Whispers explore le design textile belge, mettant en avant des matĂ©riaux innovants et des processus de fabrication expĂ©rimentaux. Le designer Xavier Servas sâest distinguĂ© par ses recherches sur les matĂ©riaux naturels et les structures gonflables.
L'exposition a aussi rĂ©vĂ©lĂ© une profusion de matĂ©riaux froids et d'esthĂ©tiques dures, avec des scĂ©nographies sombres et des designs aux ambiances presque apocalyptiques. Cette tendance vers des lignes plus gĂ©omĂ©triques et des finitions industrielles peut ĂȘtre interprĂ©tĂ©e comme une rĂ©ponse Ă l'incertitude contemporaine, oĂč les designers explorent des formes qui Ă©voquent la force et la robustesse, tout en jouant sur la perception visuelle de l'espace.Â
L'alliance entre intelligence artificielle et design, avec des objets fluides et translucides (aluminium miroir, verre soufflĂ©, impressions 3D) a créé une tension entre matĂ©riaux low-tech et high-tech, comme Ă lâexposition 6:AM Ă La Piscina Cozzi. Des meubles intelligents dotĂ©s de capteurs et de systĂšmes automatisĂ©s reflĂštent les paradoxes contemporains : urgence Ă©cologique et dĂ©sir dâartificialitĂ©. Drop City, un hub de crĂ©ation futuriste, a par exemple prĂ©sentĂ© des prototypes avancĂ©s issus de machines innovantes et dâoutils dâimpression 3D.Â
MalgrĂ© la quĂȘte moderne de technologie, une valorisation de l'artisanat traditionnel a Ă©mergĂ©. Des marques comme HermĂšs ont prĂ©sentĂ© des crĂ©ations mettant en avant le travail manuel et le savoir-faire, soulignant l'importance de conserver ces techniques dans le design contemporain. Cette tendance va au-delĂ de l'esthĂ©tique ; elle vĂ©hicule une histoire, une culture, et une authenticitĂ© que les consommateurs recherchent. Les piĂšces artisanales racontent un rĂ©cit, Ă©voquant un sentiment de singularitĂ© et de connexion humaine.
Des textures, motifs et volumes plus variĂ©s prennent place, avec une apprĂ©ciation pour le brut et lâauthentique. Ă Alcova, des piĂšces mĂȘlant assises molles, bois tournĂ© et cĂ©ramiques aux teintes sourdes rappellent le retour Ă lâartisanat, tout comme chez Loewe oĂč le design rencontre la mode, avec des objets alliant fibres naturelles et savoir-faire artisanal. On a observĂ© aussi un retour de la âfabriqueâ : du tissĂ©, du nouĂ©, du brodĂ©. Des tapis dans tous les espaces (chez Beni Rugs, CC-Tapis, Kooij Studio), des rideaux, des cloisons en tissu, comme si on voulait envelopper le design, le rendre plus habitable et incarnĂ©. Des marques comme HermĂšs mettent en avant le travail manuel, soulignant lâimportance du savoir-faire dans le design contemporain. Cela permet aux marques de se diffĂ©rencier, dâattirer un public cherchant qualitĂ©, authenticitĂ© et un lien humain derriĂšre l'objet.
Ce que cela signifie pour les marques :
La montĂ©e en flĂšche des formes et des matiĂšres froides et des lignes abruptes traduisent lâacceptation du monde post-rĂ©cession et post-covid. Les audiences sont aujourdâhui au fait de lâadversitĂ© de la vie, et les marques nâhĂ©sitent pas Ă en jouer pour contrecarrer les narratifs supra-heureux, qui sont perçus comme une forme dâinjonction Ă la positivitĂ©. Dans un marchĂ© de plus en plus saturĂ© par la production de masse, les marques ont la responsabilitĂ© d'innover en intĂ©grant subtilement la technologie tout en mettant en avant le savoir-faire artisanal. Cette dualitĂ© n'est pas simplement une tendance, mais une nĂ©cessitĂ© stratĂ©gique. La valorisation de l'artisanat et des techniques traditionnelles offre en effet une opportunitĂ© unique de rappeler un hĂ©ritage fort. Cela permet non seulement d'accroĂźtre la valeur perçue des produits, mais aussi de permettre aux utilisateurs de se connecter avec des histoires authentiques plutĂŽt quâavec des fonctionnalitĂ©s superficielles.
La nature reprend ses droits
Paradoxalement, il existe une volontĂ© manifeste de redonner Ă la nature sa place au sein des espaces intĂ©rieurs. Dans un monde de plus en plus connectĂ© (et avouons le, hostile), cette quĂȘte de naturalitĂ© sâexprime par des choix de matĂ©riaux comme le bois, la pierre et mĂȘme des Ă©lĂ©ments vĂ©gĂ©taux intĂ©grĂ©s au design. Des marques ont commencĂ© Ă utiliser des plantes vivantes comme Ă©lĂ©ments dĂ©coratifs qui amĂ©liorent non seulement l'esthĂ©tique, mais purifient Ă©galement l'air des espaces de vie. Ce dĂ©sir de rĂ©intĂ©gration de la nature Ă©voque un mouvement plus large vers le biomimĂ©tisme, oĂč le design s'inspire des systĂšmes naturels pour crĂ©er des environnements plus harmonieux. Ce retour aux matĂ©riaux naturels se fait Ă©galement sentir, avec la pierre, le bois, le bambou et la terre. Des installations comme Bamboo Encounters de Gucci et les sculptures de pierre Ă Alcova illustrent cette tendance. La pierre, omniprĂ©sente sous des formes telles que le marbre de Carrare, le travertin, et la chipodigra, se mĂȘle Ă des textiles bruts et des objets totĂ©miques chez Objects of Common Interest, crĂ©ant une rencontre entre nature et design futuriste.Â
Ce que cela signifie pour les marques : LâintĂ©gration dâĂ©lĂ©ments naturels dans sa communication est devenue cruciale, car les consommateurs recherchent une connexion authentique avec la nature, mĂȘme (et surtout) dans des environnements urbains. Les marques doivent se positionner comme des acteurs du changement, en intĂ©grant la nature dans leur communication... avec beaucoup dâintention.
En dĂ©finitive, la Milan Design Week nous a permis dâentrevoir une dichotomie dans nos comportements et notre rapport au monde. Nos rĂ©alitĂ©s sont de plus en plus connectĂ©es, mais nous recherchons paradoxalement Ă revenir Ă lâessentiel du design grĂące Ă des matĂ©rialitĂ©s organiques, Ă lâartisanat et au savoir-faire. Nous sommes en plein burnout technologique, et nous y rĂ©pondons par un retour Ă lâessentiel de notre humanitĂ©; la nature et tout lâenjeu quâil y a autour de sa protection.
Alors que les marques naviguent dans ce paysage en évolution, celles qui parviennent à embrasser ces changements tout en honorant la tradition se démarqueront sans aucun doute dans le futur.






















































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